EA 170 CALIPSO



Politique scientifique pour la période 2002 – 2005 et équipes composant l’unité


Le regroupement des quatre centres de recherche (Centre d’analyse des Discours, Centre de Recherche sur l’Acquisition du Langage Oral et Ecrit, Centre de Recherche en Linguistique Contrastive, Centre de recherche  Langues et peuples finno-ougriens ) en Equipe d’Accueil (170) a été historiquement davantage motivé par des considérations de proximité géographique (l’ILPGA) et des relations humaines que par des convergences théoriques. Cependant, cette diversité des terrains, des approches théoriques et méthodologiques est un facteur d’enrichissement mutuel, grâce à la circulation des informations, notamment par le biais des doctorants et des manifestations scientifiques. Cette diversité profite notamment aux jeunes chercheurs qui ne se sentent pas limités par une uniformité artificielle.

 

            La fin de cette période contractuelle quadriennale (1997-2000) a été marquée, pour notre EA, de bouleversements importants :

-         passage de la responsabilité de l’EA de D. Laroche-Bouvy à J.M. O. Delefosse ;

-         passage de la responsabilité du CRELIC d’E. Pietri ( décédé) à F. Fredet

-         création par l’équipe du LAPFO d’une UMR

-         activités d’un groupe de recherche informel sur l’analyse des pratiques langagières (P. Renaud)

-         projet de regroupement avec la FRE 2173 “ Dynamiques de la langue française ” et l’EA 1483 “ Centre de recherches sur le français contemporain ” pour créer une UMR à Paris III.

-         Après le non aboutissement de ce projet de regroupement, recentrage de l’EA sur ses propres objectifs et accueil de trois nouveaux membres (E. Bérard, F. Delpy, P.Y. Jacopin).

 

L’EA saisit ces modifications structurelles pour se redéfinir et établir un projet de développement dans le cadre du prochain contrat selon les objectifs suivants :

-         proposer à de nouveaux enseignants-chercheurs de se joindre à l’équipe

-         renforcer le potentiel d'accueil des doctorants par l'intégration ou la collaboration de nouveaux enseignants-chercheurs titulaires ;

-         améliorer l'encadrement le suivi scientifique des étudiants, notamment lors du passage maîtrise/DEA et DEA/thèse ;

-         conduire à terme les HDR en cours, de manière à renforcer le potentiel de direction de recherches ;

-         faire connaître nos travaux et leurs résultats par leur publication et une participation accrue aux rencontres nationales et internationales ;

-         tenter de mieux coordonner ses activités tant à l’interne qu’à l’international ;

-         rendre plus visibles ses spécificités et ses options théoriques pour mieux se situer par rapport à d’autres équipes et dans l’ED ;

-         établir ou renforcer les actions des collaborations avec d’autres équipes, notamment d’universités étrangères.

 


II.3.1. Note de synthèse sur les projets scientifiques (y compris animation de réseau)

 

Axes de recherche en développement pour le prochain Contrat

 

-         sur le plan théorique : dans le cadre d’une linguistique de terrain, est privilégiée la soumission aux données dont l’analyse contribue à comprendre les pratiques sociales du langage ; l’EA s’inscrit donc dans une approche qualitative (clinique) des productions nécessairement situées.

-         sur le plan méthodologique : dans le cadre très général de l’analyse du discours authentique (ou naturel) l’EA développe une approche multimodale : modalités des interactions verbales, pragmalinguistique, complexité syntaxique, comparaison oral / écrit.

 

Ces axes se manifestent par 9 programmes de recherche :

 

Approche épistémologique de la linguistique de l'acquisition :

J.-M. Odéric Delefosse, Martine Vertalier, Laurence Lentin, Emmanuelle Canut, Marie-France Blès, Gabrielle Konopczynski, Michel Sabourin, Doris Georgiou.

 

Qu'il analyse les productions orales d'un jeune enfant ou les productions écrites d'un apprenant tardif, le linguiste de l'acquisition se voit confronté d'emblée à l'hétérogène et à la variation ; hétérogène parce que les données ainsi produites ne peuvent s'inscrire dans un cadre limité au système d'une langue et variation parce que leur instabilité formelle est étroitement liée à leur situation d'énonciation.

            De fait, s'il cherche à discerner les processus cognitivo-langagiers en jeu dans ces pratiques langagières particulières et s'il ne se limite pas à décrire en surface les systèmes transitoires élaborés par les apprenants, il doit prendre en compte non seulement les faits langagiers tels qu'ils apparaissent, mais encore la situation sociale dans laquelle ils ont été produits. Analyser des productions langagières hétérogènes, dans la mesure où les données portent la trace de leur constitution pose la question fondamentale du rapport "entre données langagières et théorie linguistique.

 

Deux directions d recherche sont dégagées :

-         Définition du champ, des concepts et des méthodes d'investigation ;

-         Liens et délimitation du domaines avec les champs connexes : psycholinguistique, neurosciences, sciences de l’éducation, sociologie.

 

Par ailleurs, et sur un plan historique et épistémologique, une étude déjà avancée des auteurs précurseurs dans le domaine de l'acquisition apporte un éclairage sur la construction d'un champ où philosophie, psychologie et linguistique dialoguent et s'influencent.

 

Projets de réalisation et publications :

-         Approche qualitative en acquisition

-         Bibliographie raisonnée en linguistique de l’acquisition (CDRom)

-         Ouvrage : Cent ans de travaux sur l’acquisition, Hommes et perspectives (2001)

 

 

Genèse du langage

Martine Vertalier, J.-M. Odéric Delefosse, Laurence Lentin, Marie-France Blès, Mireille Guillou, Emmanuelle Canut, Cécile Marin, Daniel Blanchet

 

Les divergences parfois passionnées qui entourent des travaux sur l'acquisition, souvent amplifiées par des effets médiatiques, notamment quant à leur retombée sur les thèmes récurrents tels que les méthodes de lecture, l'échec scolaire, l'illettrisme, les tests de langage, reposent en fait sur la théorie du langage qui leur est sous-jacente. Il est d'ailleurs frappant de constater que les effets sur le plan de la pratique pédagogique ou "remédiante" suivent de près l'évolution des théories linguistiques ou psycholinguistiques et de leur vulgarisation auprès des praticiens.

Sur ce plan, les recherches de L. Lentin se sont toujours réclamées d'un point de vue mesuré, cherchant à prendre en compte dans leur globalité et leur complexité les divers paramètres qui entrent dans la problématique de l'acquisition, ce qu'elle appelle "un point de vue anthropologique", ne cédant ni aux engouements ni aux modes du moment : Le langage est un fait social parler est un acte individuel... L'équipement génétique de l'être humain comporte la possibilité d'apprendre à parler, difficilement discernable de la faculté d'apprendre à penser. Il s'agit donc de phénomènes anthropologiques qu’il ne serait pas réaliste de saisir autrement que dans leurs manifestations observables, avec cette restriction que l'observable ne sera pas le même pour chaque observateur. A plus forte raison, sommes-nous loin d'études explicatives ou de ce qui serait une théorie générale du langage.

Par ailleurs, si l'activité langagière d'un sujet énonciateur est par essence une activité de communication, elle suppose au minimum que ce qui est énoncé ait du sens pour celui qui produit du langage et que cette production soit destinée à être comprise par un interlocuteur. Ce constat de base engendre de multiples conséquences dans la conduite de la recherche et ses applications. Par exemple, l'unité d'analyse pertinente ne peut qu'être l'énoncé puisqu'il représente l'unité minimale signifiante ; et, puisque l'activité langagière signifiante implique par essence l'interlocution, l'analyse linguistique, pour être validée, devra prendre en compte non seulement les faits langagiers énoncés par un locuteur donné mais encore ceux de l'interlocuteur auquel il s'adresse ou à qui il répond, ainsi que les éléments connus de la situation d'énonciation.

Les travaux sur les modalités d'acquisition devraient pouvoir apporter leur contribution à l'élaboration d'une théorie du langage notamment sur les points suivants :

- la variabilité du langage, à savoir l'interrelation entre l'oral et l'écrit ;

- l'émergence de la langue à la fois comme norme (comme ensemble de ressources spécifiques) et comme discours métalinguistique ;

- le rôle du contexte et de l'interlangue de l'apprenant.

En nous fondant sur les travaux d'analyse en linguistique générale (notamment les travaux portant sur l'énonciation), les recherches plus spécifiques portant sur l'acquisition du langage (précurseurs et contemporains), les travaux récents portant sur l'analyse du français parlé adulte, enfin les éclairages apportés par les sciences connexes (génétique, neurosciences, psychologie et psychanalyse, sociologie...), nous avons donc privilégié quelques axes d'analyse : apparition des premiers signifiants ; mise en place du système syntaxique ; rôle de l'appreneur interactant ; modalités linguistiques du passage du parler au lire/écrire.

Dans le cadre privilégié de l'étude des modalités de l'interaction langagière appreneur/apprenant au cours de l'acquisition des différents aspects du langage, l'analyse linguistique est conduite sur les points suivants et ce, aux différents niveaux de l'acquisition : combinatoire de la phrase simple, mode de mise en place des introducteurs de complexité syntaxique et des marques de personne. Cette analyse est complétée par des thèmes d'études plus généraux : de l'implicite vers l'explicite, production de diverses variantes langagières orales et/ou écrites et relation avec la maîtrise de la syntaxe, influence des caractéristiques du langage adressé à l'apprenant, rôle des textes imprimés au cours de l'acquisition.

 

Les travaux en cours portent plus particulièrement sur :

. l'apparition des premiers signifiants à partir de corpus diachroniques étendus ;

. l'analyse de la complexification syntaxique;

.  le rôle du texte écrit dans l'acquisition du langage parlé;

. les rôle et modalité de la “ dictée de l'apprenant à l'appreneur ”;

. l'analyse linguistique des textes nécessaires à l'apprentissage de l'écrit;

. l'analyse linguistique de corpus issus de dictées à l'appreneur (marques de l'oral / marques de l'écrit);

. les aspects théoriques et pratiques du bilinguisme chez les apprenants sourds

. l'analyse des conditions d'une meilleure maîtrise du lire/écrire chez des adolescents en difficulté scolaire, adultes analphabètes ou illettrés.

Perspectives :

-         développement de la revue Acquisition du langage oral et écrit et ouverture à d’autres chercheurs

-         préparation d’un numéro d’Etudes de linguistique appliquée

-         numérisation de corpus enfant / adultes (CDRom)

-         colloque organisé dans les deux prochaines années

 

 

Cognition de l’écrit

J.-M. Odéric Delefosse, Alain Tashdjian, Jean-Pol Caput, Mireille Flaux, Marie-José Blouin, Pierre-Marie Mesnier, C. Morinet, F. Delpy, Groupe C.A.R.L.(Collectif des Ateliers de Raisonnement Logique)

 

            Dans le cadre d'une linguistique appliquée de type qualitatif, la recherche se donne comme objectif de déterminer à partir d'une démarche inductive et en dégageant les processus cognitivo-langagiers explicatifs et généralisables à quelles conditions l’appropriation de l’écrit est possible et ce qu'elle suppose sur la relation entre langue orale et langue écrite.

                Un tel objet relève d'une problématique complexe qui, limitée aux aspects linguistiques, convoque les domaines conceptuels de l'oral, de l'écrit, de leur interrelation et de leurs modalités d'acquisition.

                Cette problématique est traitée à partir de l'hypothèse d'un possible continuum entre la formulation de variantes orales, de variantes écrites et de variantes intermédiaires. C'est en favorisant l'évolution de l'apprenant de l'une à l'autre de ces variantes que l'expert l'accompagnerait avec efficacité dans son apprentissage de l'écrit.

            Les analyses syntaxiques, discursives et plus précisément interactionnelles de transcriptions de dialogues tutoriels ( ou conversations rédactionnelles) apportent des éclairages sur les modalités d'évolution de l'oralité d'un apprenant, vers l'écrit socialisé.

                L'objectif de la recherche est de repérer les effets de l'interaction verbale de l'expert par l'appropriation (ou non), dans le fonctionnement langagier de l'apprenant, des complexités syntaxiques et des marques de décontextualisation (espace, temps, dénomination des personnes) identifiées par l'apprenant dans le langage de l'expert et les textes servant de support à l'énonciation.

            En effet, le processus d'appropriation de l'écrit est en étroite corrélation avec l'évolution des compétences à produire un discours oral explicite qui s'approprie une langue complexe (proche par exemple du récit) ; ce processus est activé par la pratique de la dictée à l'expert.

            Sur le plan syntaxique d'autre part, les indicateurs majeurs des modifications de compétence sont constitués par la maîtrise de structures complexes, en particulier par l'explicitation linguistique des relations logiques (chronologie, causalité...) et par l'usage des procédés de décontextualisation (remplacement de déictiques au profit des modes de référenciation spécifiques de l'écrit).

            Enfin, l'appropriation des compétences langagières s'effectue à travers un processus orienté où l'oral joue un rôle de vecteur vers l'écrit..

          Toutefois, ces résultats exigeaient discussion et approfondissement, en particulier en ce qui concerne la méthodologie d'analyse linguistique et les problèmes théoriques qu'elle soulève. Comment, en effet, délimiter dans les tâtonnements de l’apprenant, ce qui renvoie à une imprécision d'ordre informatif et ce qui découle d'un fonctionnement lacunaire sur le plan linguistique ? Parallèlement, comment évaluer les interventions de l'adulte portant sur le plan formel et quels sont ses critères d'acceptabilité ?

            Afin de produire une méthodologie d'analyse autorisant une formalisation des processus mis en œuvre par l'adulte et offrant des critères de généralisation pour la comparabilité et la théorisation de ces modes d'interaction, les travaux devaient se poursuivre en approfondissant deux notions fondamentales pour la théorisation linguistique : la relation de dépendance entre l'exercice de l'énonciation orale et la maîtrise de l'écrit d'une part et la validation des processus interactionnels dont l'analyse, sur leur versant linguistique, semble justifier d'autre part la réussite ou l'échec de la pratique d'accompagnement observée.

            Les résultats des travaux en cours peuvent contribuer à l'élaboration d'un modèle de l'acquisition du langage oral et de l'apprentissage de l'écrit rendant compte du parcours accompli par le sujet parlant du babil à l'écriture.

            Les phases observées et succinctement présentées ci-dessous ne correspondent pas à un âge précis, dans la mesure où l'évolution de chaque apprenant est individualisée et ne suit pas une progression chronologique linéaire ; en revanche, le parcours de chaque sujet s'inscrit nécessairement dans une séquentialité et un ordre génétique.

Phase 1 : premières productions

  Les productions verbales du nourrisson se développent en rétroaction avec les stimulations de son environnement.

Phase 2 : maîtrise d'un système variable

            L'évolution du type idiolectal au niveau polylectal suppose que soient diversifiées les sources d'exposition langagière afin que l'apprenant soit en contact avec  des formulations diversifiées.

Phase 3 : développement de l'intuition de l'écrit

            Dans notre civilisation fortement marquée par la culture de l'écrit, tout enfant est de facto un futur lecteur scripteur. Dès sa naissance, il se trouve en contact avec l'écrit, et la scolarisation obligatoire le confronte bientôt, qu'il le veuille ou non, à l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, quels que soient son milieu d'origine, ses aptitudes, voire son appétence.

Phase 4 : production de variantes écrivables

            Elle fait l'objet d'un entraînement spécifique, à l'école essentiellement, qui consiste à placer l'apprenant dans une situation d'énonciation orale correspondant aux fonctions de l'écrit et dans laquelle l'apprenant sera incité à utiliser des formulations acceptables à l'écrit : récit référant à un ailleurs spatio-temporel, procédés de décontextualisation et de coréférenciation notamment.

            Dans le processus acquisitionnel décrit, cette phase est généralement contemporaine du développement de l'intuition de l'écrit.

Phase 5 : reconnaissance et la production de formulations écrites

            On observe qu'il n'y a pas de frontière étanche et catégorique entre certaines variantes oralisées et certaines variantes reconnues comme de l'écrit.

            L'enrichissement du répertoire des ressources linguistiques permet à l'apprenant d'accéder à la compréhension (lecture) et à la production (écriture) de l'écrit.

            La production d'écrits suppose que soient préalablement acquises, et objet de processus de régulation acquisitionnelle, les formes linguistiques indispensables et constitutives de l'écrit.

            Puis, grâce à des expériences de production d'écrits variés, l'apprenant élargit la maîtrise de variantes écrites, complétant ainsi son fonctionnement cognitivo-langagier pour lire et produire des écrits variés en autonomie.

Phase 6 : maîtrise des activités métalinguistiques généralisantes

            La dernière phase, plus spécifiquement scolaire, doit permettre à l'apprenant devenu lecteur et producteur autonome d'écrits de rendre compte de son fonctionnement linguistique et de le justifier. Cette capacité se réalise à partir de l'intégration des règles structurales de la langue, de la généralisation des opérations d'apprentissage et de leur extension à des variantes écrites débordant l'usage oral ordinaire de l'apprenant.

            A la question de N. Catach : "L'acte lexique est-il un acte linguistique ? ", on répondra donc par l'affirmative et on revendiquera une linguistique de l'écrit qui se donne comme programme d'observer les modalités cognitives de l'appropriation de la lecture et de l'écriture et l'analyse des productions des apprenants.

 

Perspectives :

-          collaboration amorcée avec des psychologues cognitivistes (M. Fayol, M. Kaïl)

-          programme de recherche-action en collaboration avec CARL qui intégre cette dimension dans son dispositif de formation de formateur

-          publication de la modélisation

-          Réponse à l’appel d’offres du Ministère de la recherche – Ecole et Sciences cognitives “ Apprentissages des langues : dysfonctionnements et remédiations ”

-          Réalisation d’un Dossier spécial sur l’apprentissage de la lecture in Journal des Professionnels de l’Enfance (rentrée 2002)

 

 

Supports de l’acquisition

Martine Vertalier, Laurence Lentin, Emmanuelle Canut, Vanessa Rubio, Daniel Blanchet, Mireille Guillou

 

Une grande part du travail interactif, base de la mise en fonctionnement du langage oral et écrit, se réalise dans les échanges langagiers accompagnant les activités quotidiennes en famille et à l'école. Mais on ne saurait négliger l'apport prépondérant de l'utilisation des textes de livres illustrés pour enfants, notamment pour l'acquisition du système syntaxique.

Il n'est pas question ici de n'importe quels textes de livres pour enfants. Tous font appel à l'imaginaire, certains stimulent le rêve, apportent du merveilleux. D'autres sont tellement inadaptés à leurs jeunes destinataires que l'adulte lecteur est contraint de les paraphraser car il ne peut les lire textuellement au jeune enfant.

Les textes favorables à l'acquisition du langage doivent pouvoir familiariser le futur lecteur à des formulations écrites de la langue qui lui soient accessibles par leur syntaxe, leur lexique et leur signification. Leur caractère explicite habitue l'enfant aux particularités essentielles de l'écrit dont il devra user lui-même pour devenir à son tour énonciateur d'écrit.

Ces textes ainsi caractérisés familiariseront l'enfant avec le statut de l'écrit (permanence et immuabilité). Quel que soit le nombre de lectures, quels que soient les lecteurs (parents, amis ou maîtres...), le texte demeurera invariablement le même. Le jeune enfant établit lui-même très tôt la distinction entre raconter (liberté de variantes à chaque narration et à chaque conteur) et lire (soumission à ce qu'un auteur a écrit).

A partir du moment où l'enfant fait cette distinction, raconter/lire, il a acquis une intuition issue de ces expériences répétées verbalisées par l'adulte. Cette intuition n'est pas d'ordre purement grammatical, lexical ou intonatif ; elle est plus générale et profonde. Elle s'installe chez l'enfant familiarisé avec l'écrit à travers le livre (comme à travers les autres écrits adaptés), il reconnaît l'adulte comme lecteur et "sait" qu'il deviendra lecteur à son tour.

 

Perspectives :

-         publication de la thèse de M. Vertalier et préparation de l’HDR

-         publication d’une enquête réalisée auprès d’éditeurs et auteurs de livres pour enfants sur leur représentation et leurs pratiques professionnelles

 

Evaluation des compétences langagières

J.-M. Odéric Delefosse, Marie-France Blès, Monique Frumholz, Caroline Ballot, Marie Loisel, Daniel Bianchet, Marie-José Blouin, Anne Kinadjian, F. Delpy.

 

Selon une conception simpliste et réductrice de la langue, les évaluations du langage (tests ou expériences de laboratoire) reposent essentiellement sur la (re)connaissance des mots (généralement en compréhension, plus rarement en production) des sujets évalués. C'est ainsi que dans la détermination du Quotient Intellectuel entrent des "épreuves" de langage élaborées selon une conception structuraliste et béhavioriste du langage L'utilisation de critères de ce type conduit le psychométricien à construire des tests de "langue" et non de "langage", à mesurer l'écart de la langue parlée (et/ou écrite) ou comprise de l'enfant à une langue normée, celle en général du "bon usage". Encore faut-il préciser que cet écart est purement négatif puisqu'on ne sait en définitive que ce que l'enfant "ne sait pas" de la langue à laquelle on s'intéresse.

                L'évaluation des compétences langagières constitue un domaine sensible sur le plan sociologique et pédagogique. Des travaux d'étudiants en cours devraient apporter des éléments féconds tant sur le plan théorique que sur celui des applications.

            D'une manière plus générale et rejoignant les recherches en acquisition des langues secondes, notre analyse des interactions en situation d'acquisition nous permet de définir un ensemble de critères pour évaluer l'acquisition de la langue objet de l'apprentissage.

            Les paramètres retenus sont cumulatifs et situés sur une échelle de valeurs relative :

- Éloignement de la source

Plus un élément (forme ou une opération linguistique) est produit par l'apprenant dans une situation chronologiquement éloignée de sa première formulation (par l'expert ou dans le texte-source), plus il est réputé autonome.

- Dépendance à l'égard du contexte situationnel

Plus la reprise de cet élément se produit dans un contexte situationnel différent de celui  de l'offre, plus cet élément est réputé produit de manière autonome par l'apprenant.

- Dépendance à l'égard du co-texte (environnement linguistique de l'énoncé analysé)

L'insertion de l'élément linguistique évalué dans un nouveau co-texte peut être l'indice que cet élément fonctionne de manière autonome par rapport à sa source.

- Combinatoire syntaxique

Si l'élément est produit à une place et avec une fonction différente de sa source, c'est la preuve qu'il s'inscrit dans une pratique autonome de formulation.

- Proposition vs réaction

Quand un élément linguistique est proposé par l'apprenant en dehors de toute sollicitation ou pression, il manifeste une plus grande autonomie que s'il est une réaction à une offre de l'expert.

 

                A partir de ce modèle, on se propose de construire et de tester des dispositifs d’évaluation significatifs. Le modèle général permet une adaptation aux objectifs et aux situations dans une perspective d’évaluation formative.

 

Perspectives : Réponse à l’appel d’offres du Ministère de la recherche – Ecole et Sciences cognitives “ Apprentissages des langues : dysfonctionnements et remédiations ”

 

Thérapie du langage

Marie-France Blès, Marie-Rose Mousset, Elisabeth Manteau, Monique Frumholz, Caroline Ballot, Marie Loisel, Anne Kinadjian

 

Ce nouveau champ dans l’équipe est en plein essor. Il est lié aux préoccupations théoriques et pratiques de thérapeutes du langage (orthophonistes, rééducateurs, logopèdes…) qui entreprennent des recherches (et des recherches actions) pour théoriser  et orienter leurs pratiques de terrain.

Face aux théories paramédicales et psycholinguistiques, ces chercheurs revendiquent une approche qualitative du trouble ou de la différence centrée sur le sujet énonciateur et non sur un écart à une supposée norme linguistique.

Ces recherches s’orientent vers la problématique du bilinguisme du sourd, l’échec dans l’apprentissage de l’écrit, les difficultés dans les verbalisations logico-mathématiques.

 

Perspective :

-         recherche en collaboration avec le CMPP de Nevers et un cabinet d’orthophonie de Nancy

-         publication des dispositifs expérimentés

 

 

 

 

Analyse pragmalinguistique

J.-M. Odéric Delefosse, Danièle Laroche-Bouvy, Patrick Renaud, Sorin Stati, Emmanuelle Canut, Johanna Godon, Anne-Marie Boyeldieu

 

            La perspective de la linguistique interactionniste, nous permet d'intégrer de nouvelles dimensions à l’analyse linguistique des corpus :

-         la dimension situationnelle qui prend en compte notamment le contexte physique de la communication et les objectifs des interactants ;

-         la dimension pragmatique à partir de la valeur des actes de langage et la régulation de l'activité interactionnelle ;

-         - la dimension interpersonnelle qui concourt à la co-construction de sens dans l'interaction ;

-         la dimension sociale observée à partir des styles, des registres, des places et du dynamisme de la prise en charge de l'interaction par chacun des participants ;

-         la dimension variationnelle : phénomènes d'ajustements, d'explicitation du code, de mobilisation des ressources disponibles pour la formulation dues messages, la reformulation possible et leur thématisation dans un discours allant de l'épilinguistique vers le métalangage.

 

            La linguistique interactionniste ne peut cependant ignorer les contraintes codiques, tout ne se crée pas ex nihilo dans l'interaction ; celle-ci se construit à partir des matériaux préexistants au moins chez l'un des interlocuteurs : acquisition du langage ou apprentissage d'une nouvelle langue dont la description demeure légitime et nécessaire.

            L'objectif serait donc d'envisager ces structures formelles dans leurs virtualités communicatives et de décrire comment, à partir de règles et de matériaux préexistants, s'élaborent dynamiquement les conversations et comment sont engendrés des effets sémantiques et pragmatiques qui n'étaient pas programmés (notamment chez l'apprenant) avant que n'entrent en interaction les sujets parlants.

 

-Perspectives

-         publication des travaux en cours notamment sur la typologie d’actes de langage

-         thèse de J. Godon

 

Contacts de langue, contrastivité

Danièle Laroche-Bouvy, Florentina Fredet, Etienne Pietri, Milena Sprova, Christiane Montécot, Jean-Dominique Mathieu, Hafedh Sfaxi, Johanna Feirrera, Rachel Rakamanana, Dusanka Tocanac, Sorin Stati, Odile Baroux, Anne-Marie Boyeldieu

 

            Par ses deux composantes “ historiques ”, le Centre d’Analyse du Discours (CAD) et le Centre d’Etudes Linguistiques Contrastives (CRELIC), l’EA 170 privilégie l’analyse discursive, notamment l’analyse des dialogues dont l’objectif est de dégager une grammaire conversationnelle.

                Les travaux en cours portent notamment sur l’analyse comparative de cette grammaire dans des langues de typologie différente. Ils privilégient les situations d’apprentissage, de bilinguisme, de contacts de langue ; donc une linguistique de l’oral. Rejoignant les préoccupations sociales de politique linguistique et des pratiques sociales du langage, ils entretiennent avec les travaux sur la première acquisition des confrontations fructueuses.

 

 

Perspectives :

-         Accueil de chercheurs et étudiants étrangers

-         Organisation de 2 colloques internationaux avec nos partenaires étrangers

 

 

 

 

Pratiques sociales du langage

Pierre-Yves Jacopin, Patrick Renaud, J.-M. Odéric Delefosse, Marie-Rose Simoni-Aurembou, Alain Tashdjian, Martine Vertalier, Pierre-Marie Mesnier, Johanna Godon, Ben Mehdi Saleha, Sylvie Blanzin,

 

            La prise de parole implique par essence une allocution, une adresse à un autre et le monologue demeure, dans la vie quotidienne, une exception, une anomalie, voire une pathologie. On peut repérer le rôle du destinataire dans les marques d'allocution, mais aussi dans l'ensemble du discours qui tient compte de l'image et des compétences du destinataire (notamment les effets d'ajustement).

            L'acte de parole implique normalement une interlocution, c'est-à-dire un échange de paroles. Seules certaines prises de parole, nettement marquées par leur situation (cours, conférences, discours médiatique...) excluent toute réponse directe. Cette interlocution peut cependant être indirecte (mouvements, applaudissements...) ou différée (interrogation) ; de plus, la prise de parole peut incorporer plusieurs voix, imputables à plusieurs énonciateurs distincts (discours rapporté).

 

            Par l'analyse des stratégies interactionnelles des experts et des apprenants, on cherche à mesurer, à partir des traces linguistiques, la manière dont l'expert gère le pouvoir que lui confère son statut de référent linguistique dans la conduite des dialogues et notamment par le jeu des différents types de questionnements. Une autre direction concerne les ajustements des interactants par rapport à leurs objectifs ; il faudrait, dans ce sens, poursuivre l'analyse de l'impact des objectifs intentionnels exprimés à travers le contrat, la verbalisation, en cours d'interaction, des rôles joués et reconnus par l'interlocuteur et, d'autre part, la place que prennent les objectifs manifestes sous-jacents réalisés plus ou moins consciemment par les actes de langage, notamment à travers leur valeur illocutoire et surtout perlocutoire.

 

Perspectives

-         collaboration puis intégration du Groupe d’analyse des pratiques langagières (Paris III)

-         collaboration au projet du DHEPS (Paris III) : licence et maîtrise de formation d’acteurs en sciences sociales

-         recherche conduite en partenariat avec ADLI, LRI, GPLI sur le rehaussement des compétences en littératie

 

 

Ces programmes de recherche pourront être développés en collaboration avec d’autres équipes :

 

-         Groupe de recherche en analyse des pratiques langagières (P. Renaud, Paris III)

-         EA 1483, Centre de recherches sur le français contemporain (M.A. Morel, Paris III)

-         SELOEN, Lille, (A. Rousseau, M-F. Blès, Lille II).

 

D’autres partenaires partagent notre recherche et par leur réseau offrent de multiples terrains d’enquête et d’observation aux chercheurs et doctorants :

 

-         LRI (Lieu Ressource Illettrisme) Poitiers (Patrice Riou)

-         CAFOC, Nantes

-         ADLI (Association départementale de Lutte contre l’Illettrisme), Angers

-         ZEP Paris18ème (E. Canut)

-         CARL (Collectif national des Ateliers de Raisonnement Logiques) : Xavier Denis, Bernard Degorce

-         CMPP de Nevers (Elisabeth Manteau)

-         IUFM de Niort (D. Blanchet)

-         Association de Formation et de Recherche sur le Langage (Laurence Lentin)